"La danse" de Raoul Dufy

17 juin 2014

Cette conférence est consacrée à une gravure sur bois, ou xylographie, de Raoul Dufy intitulée "La Danse". Elle a été achetée en 1979 à la galerie Le Nouvel Essor à Paris. Elle fait partie d’un ensemble qui se compose de quatre xylographies : "La Pêche" achetée en 1978, "L’Amour" et "La Chasse", mais ces deux dernières n'appartiennent pas aux collections du Musée.

Notre gravure est la 31e épreuve tirée sur une série de 100 impressions. Le titre de l’œuvre est directement gravé par Dufy dans le bois. En revanche, pas de présence ni de monogramme, ni de signature. Dufy signe en bas, en dehors de l'impression. La xylographie est de format carré de 31,5 cm sur 31,4 cm.

Les quatre bois seront exposés ensemble du 1er octobre au 8 novembre 1910 au Salon d’Automne ainsi qu’une partie du Bestiaire d'Apollinaire que nous verrons ensuite. Il s’agit des premiers bois exécutés par Dufy indépendant d’illustration de texte. Dufy est donc libre de son interprétation. Au premier regard, on note immédiatement une absence complète de vide. L’œuvre est chargée de motifs que l’on détaille finalement en observant plus précisément.

Deux personnages sont placés au premier plan légèrement sur la droite. Il s’agit d’un couple de danseurs qui donnera son nom à l’œuvre. L’homme est vu de dos, on reconnaît un marin à son habit particulier : la vareuse avec son large col dans le dos faite en grosse toile de coton et de son chapeau /canotier en paille recouvert de toile cirée noire que les matelots confectionnent eux-mêmes avec des matériaux fournis par la Marine. Il est orné de rubans à bouts flottants légendé au nom du navire mais qu’on ne voit pas ici. Cette coiffe sera portée dans les pays chauds jusqu'en 1923 avant d'être remplacée par le bonnet à pompon. Le reste de ces vêtements est plus indéterminé. Le pantalon est composé d'effet de matière, d'effets lumineux donnés par les coups de canifs dans le bois. Le visage du marin est vu de profil, ses cheveux sont bouclés formant des petites arabesques. On retiendra la musculature importante du personnage que l’on retrouve souvent dans les représentations humaines chez Dufy.

Sa partenaire lui fait face. Elle est habillée d’une robe noire à pois blancs. Son visage est vu de face, légèrement penché pour montrer l’idée de mouvement. Ses yeux sont en amande, la ligne des sourcils suit le prolongement du nez. Elle porte sur la tête un bandeau à motif et les boucles d’oreilles rondes appelées créoles. Ces bijoux ont été portés très tôt en Martinique et Guadeloupe par les esclaves et surtout par les affranchies, dès le 18e siècle. Le visage de la femme rappelle les masques africains bien que la peau de la femme soit blanche.

Derrière eux, sur la gauche, se trouve un autre personnage. Il s’agit d’un musicien noir jouant de l’accordéon. Il est habillé d’un haut à rayures qui rappelle le marin et d’un pantalon. Il porte sur la tête un chapeau à larges bords, à motifs quadrillés pour évoquer certainement un chapeau en paille. Les personnages sont inscrits dans une nature foisonnante faite d’herbes et de grandes plantes au sol mais aussi de palmiers dont on devine les troncs et des feuilles qui entourent les personnages.

Le seul espace dégagé par lequel le regard du spectateur peut s’échapper est cette trouée en bas à droite dans laquelle se détache un voilier à deux mats. Dufy en utilisant uniquement le décroissement des personnages et des scènes a réussi à donner l’idée de mouvement. Le regard du spectateur, le sens de lecture du tableau forme une ronde allant du marin danseur à la danseuse puis au musicien et au bateau pour revenir au couple.

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