7 juin 2016
Cette conférence porte sur un des chefs-d’œuvre du musée, une grande huile sur toile d’August Hagborg, peintre suédois, intitulée Grande marée dans la Manche, datée 1889. Il s’agit d’un dépôt de l’Etat fait en 1932 au musée de Saint-Maur. Il appartient au musée d’Orsay.
Dans cette toile, nous voyons des pêcheurs modestement vêtus profitant d’une marée exceptionnellement basse et sans doute propice à une pêche abondante. Traditionnellement ce type de pêche était l’apanage des femmes. La caractéristique de ces pêcheuses étaient qu’elles ne portaient pas de chaussures. Travaillant pieds nus en toute saison, elles gardaient la trace des heures passées dans l’eau froide et salée et étaient surnommées "pieds rouges". La femme accroupie en bas à gauche lace son gros godillot. L’unique homme de la scène est chaussé de sabots en bois garnis de paille afin de conserver un peu de chaleur. Les autres vêtements des personnages d’aspect simple renvoient directement au costume traditionnel des paysans normands.
Devant la femme accroupie est posé un panier appelé "dossier", sorte de hotte à une sangle dans lequel le pêcheur transporte son matériel sur le lieu de pêche et rapporte le poisson, les crustacés ou les coquillages. L’homme porte un haveneau appelé "fouine" en normand. Cette épuisette est utilisée pour la pêche aux crevettes sur les plages sablonneuses.
La femme du second plan, avec le râteau, est traditionnellement décrite dans les commentaires comme ramassant des coquillages mais le râteau est alors souvent moins large que celui peint par Hagborg. Ici, Il s’agit plutôt de la pêche à la sole, pratiquée entre Granville et Agon-Coutainville au printemps et à l’automne. Les petites besaces sont appelées saberets, souvent fabriquées en filet de mailles et utilisées surtout pour le transport des coques ou des poissons.
Au troisième plan, un groupe s’active autour d’une charrette attelée à un cheval et un bœuf. Ils ramassent du varech, également appelé goémon, mélange d’algues brunes, rouges ou vertes laissées sur le sable au jusant, quand la mer s'est retirée. Hagborg a déjà observé ce genre de scène sur les côtes du Halland en Suède.
Hagborg est particulièrement sensible à la beauté de ces larges paysages qu'offrent les côtes de la Manche. Le peintre a placé la ligne d'horizon à hauteur des yeux du spectateur et renforce ainsi l'importance donnée au ciel qui occupe la moitié de la composition. Une trouée de lumière à l'horizon éclaire le sol humide de la plage et s'accroche aux coiffes blanches des femmes,