L'arrivée du permissionnaire
Victor LECOMTE ( 1856 - 1920 )
Victor Lecomte évoque, à travers cette toile, un instant fugace et passionné : celui des retrouvailles d'un couple au cours d'une permission pendant le Première Guerre mondiale. L’artiste immortalise ce doux moment, comme un arrêt sur image.
Un couple s’enlace, dans l’encadrement d’une porte. C’est un soldat qui retrouve son épouse au cours d’une permission. Les retrouvailles sont passionnées et on peut sans peine imaginer que les deux amoureux sont restés longtemps éloignés l’un de l’autre. Le chien de la maison a reconnu son maître et fête lui aussi son retour. Le chat, au contraire, reste immobile, comme un spectateur, au premier plan. Le soldat a encore la main sur la porte et, sur la table, le repas fume en attendant que le couple s’installe.
La présence des animaux domestiques est anecdotique. Mais elle vient dédramatiser l'instant. Cette toile est réalisée en 1917. D’ailleurs, c’est bien l’uniforme du poilu français que cet homme porte. On voit que la guerre n’en est plus à ses débuts : il a un uniforme bleu horizon, plus propice au camouflage que le pantalon rouge garance du début de la guerre. Et il porte un casque, plus utile contre les obus qu’un simple képi.
Victor Lecomte n’a pas connu le front, trop âgé pour être mobilisé – il a 58 ans en 1914. Et il n’a pas d’enfants qui auraient pu mourir dans les tranchées. De ce point de vue, il est un privilégié. Mais, comme tous ses contemporains, il est profondément marqué par les horreurs de cette nouvelle forme de guerre que sont les tranchées : plus question d’envahir le champ de bataille pour l’évacuer à la nuit tombée. La guerre est désormais présente à toute heure du jour et de la nuit. Et le danger peut venir de partout, y compris des airs. Le choc de ce conflit explique que Victor Lecomte s’éloigne pour une fois de ses sources d’inspiration traditionnelles, son quotidien en famille.
Observez la pudeur de l’éclairage choisi par Victor Lecomte. Là encore, une grande partie de la scène est dans la pénombre. Et cette fois, les figures elles aussi y sont plongées. Le peintre semble ne pas vouloir déranger ce moment d’intimité. En revanche, la lampe posée sur la table éclaire frontalement le repas auquel l’épouse a dû consacrer une partie de la journée. Associée à la soupe fumante et réconfortante, cette lampe fait figure de symbole, symbole du foyer, de sa stabilité et de sa chaleur. Elle permet également de replacer l’instantané de la scène dans un temps qui se déroule : la préparation du repas en amont et le partage de ce même repas à l'arrivée du soldat.